Phylica arborea : le vert de l'espoir

Publié le par Le Bateau Immobile

PHYLICA 1

 

 

Si vous avez un jour la chance de faire le rotation des Terres Australes, que ce soit en tant que touristes ou en tant qu’hivernants, une chose vous étonnera au bout de trois semaines de mer : l’odeur de l’herbe coupée et le vert émeraude qui domine quand on approche d’Amsterdam. Parmi les diverses espèces végétales présentes ici, l’une est très particulière : le phylica arborea.

 

« l’île est ceinte d’une ceinture de forêt d’environ 1.500 hectares, entre 100 et 200 mètres, dense au point d’en rendre l’accès pratiquement impossible » voici ce que rapportait en 1726 un observateur anonyme. Les images d’Epinal ont longtemps représenté Amsterdam avec sa couronne non d’épines, mais de Phylicas, qui à en croire les relations de voyage étaient présents sur toute le pourtour de l’île.

 

C’est un arbre (plutôt un arbuste, si on garde la définition habituelle qui dit qu’un arbre c’est au moins cinq mètres de haut), qui peut parfois rappeler l’olivier par son aspect torturé, d’autant que seul le sommet reste vert, le tronc se dénudant au fur et à mesure. Il appartient à la famille des ligneux (détail passionnant pour les non experts !).

D’où vient-il ? Sans doute passager clandestin à bord d’un albatros à bec jaune, espèce elle-même très présente ici, les petites graines seraient venues de Gough, île faisant partie de l’archipel Tristan da Cunha.

 

Mais le fait marquant est que c’est le seul arbre non importé par l’homme dans tout le territoire des Terres Australes Françaises. Crozet, Kerguelen et à fortiori la Terre Adélie ne comptent en effet aucun arbre … la défense du phylica est donc emblématique d’une lutte plus générale pour la préservation des espèces naturelles et le maintien de ces espaces en zones classées à l’échelle internationale.  


PHYLICA 2


 

Si on remonte plus loin dans le temps, nous viendrait d’Afrique australe, et plus précisément de la province du Cap, tronc commun à partir duquel seraient nées plusieurs espèces spécifiques couvrant l’Atlantique sud (Sainte Hélène, Tristan da Cunha donc), et les Mascareignes (Maurice et Réunion).

 

150 ans plus tard, l’espace occupé n’aurait plus été que de 250 hectares. 

 

Dans les années 80, il ne restait plus que quelques arbres, égarés dans l’est de l’île, au milieu des cyprès, oasis perdu dans un océan d’herbes folles, victimes des incendies (l’île est tourbeuse, les incendies peuvent donc non seulement se propager très vite mais en plus gagner de nouvelles zones en consumant le sous-sol), des vaches (voir le post « le grand dessein de Monsieur Heurtin »), des coupes … c’est le point bas de sa trajectoire à partir duquel une vaste entreprise de repeuplement va être menée : protection de l’espace, récolte de graines,  construction de serres, mise en semis, réimplantation. 7.000 plants sont réintroduits avec des succès mitigés. Il est vrai que tout est à apprendre le concernant : son cycle végétatif, ses conditions de croissance ….

 

La seule chose que l’on sait et que sa croissance est lente, beaucoup plus lente que celles des espèces invasives avec lesquelles il peut être en concurrence : les cyprès, les scirpes, dont la densité peut tout étouffer, et même les eucalyptus ou les fougères, qui toutes poussent plus vite que lui.

 

PHYLICA-3.jpg

 

Les plants doivent donc être suivis régulièrement, entretenus, désherbés, cartographiés pour ne pas les oublier d’une mission à l’autre. Le Phylica réussira t’il à reprendre sa place ? Il est prématuré de le dire, Beaucoup d’efforts sont déployés en ce sens …

 

Bonne soirée à vous, en vous souhaitant d’avoir la main verte !

 

LMGB

 

Photos :cratère d'Antonelli, un exemple de cohabitation délicate : à gauchet et à droite, des cyprès, entre les deux des phylicas ... les aiguilles de cyprès contribuent à acidifier le sol. Bois de phylicas (est de l'île), avec la forme typique en coupole. Macro sur un bouquet.

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