0,60 € pour traverser le monde ...
Parmi les activités pas nécessairement très connues des Terres Australes et Antarctiques Françaises, figure en bonne place la philatélie. Passion réservée à un cercle d’initiés, Il s’agit pourtant d’une source de financement importante, supérieure au million d’euros, au même titre par exemple que les licences de pêche accordées (ces dernières à une toute autre échelle il est vrai). C’est par ailleurs une vraie passion et au final un angle d’approche intéressant pour suivre l’actualité des Terres Australes et retracer leur histoire.
Rattachés dans un premier temps à Madagascar (alors sous protectorat), les TAAF accèdent au rang de territoire autonome en août 1955 et de même de démarrer une activité philatélique spécifique. Les premiers timbres en sont le reflet, portant une mention « Madagascar » rayée et remplacée par la mention TAAF. Le premier oiseau représenté n’a rien de très austral !
L’histoire postale des TAAF est encore plus ancienne : il y a du courrier depuis qu’il y a des hommes ! Les premières installations durables (les usines baleinières des Kerguelen en particulier) amènent les premières lettres, avec des dessertes irrégulières et aléatoires. La fermeture des usines (on peut également citer à une échelle moindre celle de Saint Paul pour la langouste) entraîne l’arrêt du trafic postal. Il reprendra après la guerre avec la création officielle des Terres Australes (dans un premier temps à Amsterdam, l’année suivante aux Kerguelen, puis enfin à Crozet. C’est d’ailleurs ce détail qui explique qu’aujourd’hui encore Amsterdam ait la présence continue la plus ancienne, puisque nous composons la 63ième mission) et des gérances postales dans les années 60.
Aujourd’hui, l’activité a pris un essor marqué et il est toujours amusant à chaque passage du Marion-Dufresne de voir des sacs entiers arriver ici, des demandes par centaines de philatélistes du monde entier (dont beaucoup de professionnels ou d’amateurs très éclairés). Chaque demande est spécifique, tel ou tel timbre, et plus encore tel ou tel tampon, du Chef de District, du Médecin ou encore d’autres métiers du District. Il n’est de navire croisant dans les 40ièmes, que ce soit Le Marion-Dufresne, l’Austral ou l’Osiris pour ceux que nous voyons le plus souvent, ou d’hivernant qui n’ait son tampon personnel. La production de séries spéciales ou d’un tampon spécifique à l’occasion du passage d’un navire par exemple contribue encore à créer l’actualité. Il y a, a contrario, des amateurs qui anticipent des passages de navires que l’on attend, un peu, encore un peu, encore quelques mois, on les attend … et qui finalement ne passeront jamais ! Un peu comme si une lettre quelque part attendait le passage du France ou d’un autre navire désarmé voire détruit.
Par comparaison, l’activité postale liée à la présence des hivernants représente bien peu de choses. Et c’est tant mieux, car le moins que l’on puisse dire est qu’envoyer une lettre ou un paquet ici n’est pas chose aisée. Que ce soit dans le sens entrant ou sortant, nous sommes encore dans le règne de l’à peu près, et les anecdotes ne manquent pas.
Je ne résiste pas ainsi au plaisir de citer la réponse donnée par la Poste à la lettre de réclamation d’un de mes expéditeurs : « l’office postal étranger nous informe que votre objet ne sera distribué qu’à la mi-septembre, après la période des glaces ». Sachant qu’ici la seule glace que nous voyons est celle que nous mettons au fond des verres, je crains qu’une certaines confusion soit née entre Amsterdam et la Terre Adélie ! Citons aussi cet envoi de livres venant de ma librairie préférée, retournée de la Réunion vers la Métropole avec la mention « NPAI » (N’habite pas à l’adresse indiquée). Pourtant, n’ayant pas de bateau sous la main, la côte la plus proche étant (en dehors des Kerguelen) à 2.800 kilomètres, je peux certifier que je n’ai pas changé d’adresse !
L’absence de code postal pour les différents districts suscite aussi souvent l’étonnement voire le refus des employés de la Poste. Dans le sens export, même musique, un colis envoyé, un colis perdu. Taux de réussite de 100 % … Combien de destins changés, d’amours brisés pour une lettre égarée ?
Mais revenons-en à nos timbres. Pour les philatélistes invétérés, une lettre d’information est envoyée en push par les TAAF environ tous les deux mois et selon l’actualité des sorties. Le lien est le suivant :
http://www.taaf.fr/L-InfoPhil-des-TAAF,437
Pour ceux enfin lisant cette page et qui voudraient recevoir un petit mot des Terres Australes, c’est maintenant ou jamais pour la Mission 63 sur Amsterdam, car passé le 31 août, il sera trop tard. Notre Poste ferme en effet pour inventaire, pour ne rouvrir que le jour de notre départ ! Comme ce blog est lu par environ 300 millions de personnes, je ne garantis pas un mot pour tout le monde, mais je ferai un effort ! Donc, petite message personnel (et non pas en commentaires) et c’est parti !Il vous faudra par contre être patient, trois semaines minimum pour la métropole au départ d'ici !
Les timbres sont également en vente à la Poste du Louvre pour les Parisiens (qui ne sert donc pas qu’à payer ses impôts le dernier jour à minuit !), ou à celle de Saint Denis pour les Réunionnais. Mais rien ne vaut de recevoir une enveloppe qui aura connu les Terres Australes, les soutes du Marion-Dufresne. Ne cherchez pas, c’est le billet jumelé bateau-avion le moins cher du monde, 0,56 € pour 20 grammes …
Bonne journée à tous, je vous souhaite de recevoir du courrier des êtres chers.
LMGB
photos : enveloppe prête à partir ou presque avec double tampon du patrouilleur austral L'Osiris et celui du Chef de District, premier timbre des TAAF, blocs baleines et transports aériens, deux de mes préférés. La belle finition bois n'est pas un nouvel avatar Photoshop mais la table de la salle de réunion de la Résicence !