Meurtre à Amsterdam - 9

Publié le par Le Bateau Immobile

MEURTRE 9

 

 

9-      Tout se complique 

 

[Résumé des épisodes précédents : Les sphaignes blanches de l’île d’Amsterdam – aux propriétés miraculeuses -  ont attiré la convoitise de la Mafia hongkongaise. A bord d’un bateau hors d’état, une équipe de la Triade aborde l’île puis en prend le contrôle.  Quelques membres de l’équipage descendent à terre pour en organiser la cueillette mais au moment de partir, la chef des malfrats, Olga, alias X25 est à son tour enlevée par le Chef de District, Marmaduke. Une tempête menace et oblige le navire pirate, le Southern Lady quitte son mouillage pour se réfugier de l’autre côté de l’île, tandis que Marmaduke et Olga se réfugie dans le relais radio du Mont Fernand].

 

 

-          Alors Carlos, tout va bien ?


Le colombien se retourna brusquement. A quelques mètres du comptoir d’embarquement, il sentit une main se poser sur son épaule, une main pas forcément amicale. Une main lourde de menace. En se retournant, il se couvrit de sueur froide. Monsieur Li, le tueur de Fu Manchu était là avec quelques hommes à lui. L’émissaire du boss de la Triade ne faisait jamais le déplacement pour rien.


-         - Vous partiez en voyage peut-être ? Curieux, un vol vers Los Angeles, ça n’est pas vraiment la direction d’Amsterdam. Amsterdam ? vous vous souvenez ? La petite île australe qui est censée nous amener fortune et jeunesse éternelle. J’espère que votre billet est modifiable …


Le panneau d’information au dessus du comptoir d’enregistrement trahissait le Colombien. L’hôtesse, indifférente à la situation, faisait déjà signe de libérer le passage aux autres passagers. Son billet désormais inutile encore à la main, Carlos se vit bientôt entouré des Chinois, comme une meute de fourmis autour de la dépouille d’un tigre.


-          Venez donc faire une promenade, vous n’avez pas l’air en bonne forme. Un peu d’air frais sur notre bateau vous fera le plus grand bien. Je suis sûr que vous n’avez jamais vu Hong Kong comme nous allons vous le montrer.


Dehors, la mousson rendait l’air étouffant, presque oppressant. La grosse berline noire s’avançait déjà le long de l’aérogare et avala Carlos, dûment encadré de deux sbires. Un aller simple pour l’enfer …

 

-          - Alors, Marmaduke, on a fait une petite sieste ?  

 

J’entendais dans un écho lointain la voix d’Olga, mais comprenait à peine le sens de ses paroles. Marmaduke ne se souvenait plus de rien, tout juste la course folle sous la pluie déchainée, la montée au Mont Fernand et un vague casse-croûte offert par Olga.

 

Son large sourire valait certes tous les réveils du monde, mais ne répondait pas à toutes les questions.

 

      -J’ai dormi ?

 

-          - Vous n’avez pas trouvé bizarre que je vous laisse mon sandwich si facilement ? Vous êtes décidément bien naïf. Un peu de narcotique pendant que je le déballais, voilà ce qu’il en coûte à ceux qui sont gouvernés par leur estomac. Comme on dit chez nous, « tenir la casserole par la queue évite de se bruler »

 

-          - Et  c’est tout ?

 

Olga baissa les yeux. Il lui sembla voir ses joues se parer d’un rose soudain, sur la nature duquel il était impossible de s’étendre.


-     - Ce qui se passe à Amsterdam reste à Amsterdam. fut sa seule réponse.


Marmaduke s’en voulu de s’être aussi facilement fait berner par la jeune russe.


-          - Par ailleurs, vos hivernants ont profité de la situation pour proclamer l’indépendance de l’île. Ils ont même proclamé un certain Cortex nouveau Chef de District et hissé un nouveau drapeau.  Nous avons certes un peu aidé à faire émerger leur conscience politique, quelques subsides bien distribués ont eu raison des quelques résistances. Il vous sera difficile d’y retourner et de rétablir l’ordre ancien.  Vous êtes cuit, recuit, et archicuit mon pauvre ami. Vous me suivez ou c’en est fini pour vous.


Ravalant sa salive, il murmura quelques mots sans conviction :


-          - Et on sort comment d’ici ?


La conscience lui revenait. La pluie battait toujours le toit du relais radio mais avec moins de vigueur lui semblait-il. La tempête, les ukrainiens, le navire … l’histoire devenait un peu difficile à suivre. Passer de ravisseur à kidnappé n’avait rien de plaisant et Marmaduke avait un peu de mal à suivre le fil logique de toute cette affaire.


-          - Laissez tomber tout ça et du passé faisons table rase. Vous m’avez plu dès le premier instant où je vous ai vu, et vous voir battu par hommes du Southern Lady a été une vraie souffrance pour moi. Venez avec moi dans la grande Russie, nous cultiverons du boulgour bio dans la région d’Ekaterinbourg. Vous pourrez même plonger dans les grottes d’Ordinskaya et jouer à Michel Strogonoff devant les fourneaux. Nous aurons plein d’enfants qui gambaderont dans la rosée du matin et vous irez couper du bois dans la forêt. Un peu d’activité ne vous fera pas de mal, vous avez mauvaise mine.

 

-          - Mais …

 

-          - Il n’y a pas de mais qui tiennent, vous venez ou vous restez. Vous avez trois secondes pour vous décider.

 

Ca n’est pas vraiment comme qu’il voyait l’avenir à vrai dire. Un lagon pacifique,  un prao glissant une eau pour toujours azur, les cocotiers inclinant leur silhouette vers d’autre silhouettes enchanteresses, loin de ces pays qui ne connaissent que les angles aigus et les comptes ronds. Le mini Uzi qu’elle sortit de son sac pouvait être une aide à la prise de décision. Il rajusta son col et ses poignets.

 

-          - Rangez votre pétard Olga Raskolnikova …  Nous partons ! Je suis prêt ! En route ! Bistro, bistro !!

 

En ouvrant la porte du relais radio,  il vit une mer un peu assagie même si le vent d’ouest continuait à pousser de gros rouleaux vers la côte.

 

Olga le gratifia de son sourire le plus éclatant, et posa sur ses lèvres un baiser frais comme l’Ienisseï au moment de sa débâcle printanière. Marmaduke se sentit prêt à relever tous les défis du monde, se battre contre toutes les forces obscures de ce monde, tigre ou dragon, fourmis de feu ou hyène rieuse. Rien ne pourrait résister à cette force qui allait faire sauter tous les barrages du monde, qu’ils soient de glace ou de béton.  Olga pour sa part ne semblait pas de marbre devant cette manifestation émotionnelle et au contraire y prendre goût.

 

Ils étaient d’accord.

 

-          - On descend comment ? La paroi d’Entrecasteaux paraissait assez indifférente au syndrome de Stockholm ou à toute manifestation de bonheur. Elle opposait surtout ses 600 mètres de dénivelé abrupt.

 

-          - Très simple, on descend le long de l’arête, arrivé au Grand Balcon, petit vol en parapente jusque sur le navire. J’ai appelé le Southern Lady pendant que Monsieur dormait, il finit de contourner l’île par le sud et se met face à la falaise.

 

-          - Mais heu ….

 

-          - Tu ne vas pas recommencer !

 

-          - C’est à cause du Préfet, je ne voudrais pas qu’il lise sur Internet que nous faisons du parapente sur l’île, quelque chose me dit qu’il ne serait pas d’accord. Nous sommes sur une zone protégée …. En plus le ratapente …

 

-          - Mais personne ne te croira, c’est tellement improbable. Tu en as déjà fait ? C’est aussi facile que le cerf volant, sauf que le cerf c’est toi. J’ouvre mon manuel « Le parapente pour les nuls » et je lis page 32 : « Le parapentiste place son aile à terre, bien étalée (en forme de corolle) et face à la pente. Il s'installe dans sa sellette en veillant bien à respecter les vérifications d'usage (check-list comme en aviation : points d'accrochages de la sellette, casque, radio et pas de clé dans les suspentes). Il faut qu'il y ait une légère brise qui remonte la pente face à lui pour lui faciliter le décollage et que les conditions météorologiques soient adaptées. Quand toutes ces conditions sont réunies, il peut commencer la phase de gonflage, qui consiste à lever la voile au dessus de sa tête, de façon à ce qu'elle soit en état de vol, pour pouvoir ensuite décoller, soit en courant dans la pente (décollage dynamique), soit en usant de l'aide du vent (on parlera alors de décollage statique, le pilote n'ayant pas à se déplacer pour créer la vitesse relative) » Clair non ?


Se souvenant des vagues enseignements prodigués par un Alsacien et néanmoins ami de la Réunion, Marmaduke se dit que l’affaire était jouable. « Et au moins ici, je ne risque pas tomber dans un de ces cactus, dont le contact par trop rapproché avait dans le passé quelque peu attenté à sa dignité et plus encore à son intégrité physique. Mais foi de Marmaduke, les pensées que j’avais alors conçues, n’avaient jamais dépassé la frontière de ma bouche ».


Olga n’avait pas attendu le résultat de ces cogitations inutiles et s’était déjà élancée dans le vide. Les courants ascendants le long de la paroi l’avait déjà faite remontée au dessus de Marmaduke. Elle faisait de grands signes à ce dernier lui enjoignant de décoller sans plus tarder.


 Le Southern Lady avançait déjà sa pauvre silhouette sur la mer agitée, comme une de ces femmes de petite vertu arpentant sans relâche le trottoir du Panier ou de Chicago. A chaque vague, elle roulait des hanches de façon exagérée sous son maquillage outrancier de rouille et de peinture écaillée. « Un bien beau bateau pour un si grand amour ». Il fit un signe de la main à Olga, qui, elle, lui faisait signe de descendre. L’heure n’était pourtant pas au générique de fin.


Les deux voiles s’éloignaient peu à peu de la paroi pour gagner le large. C’était la belle vie, Amsterdam comme personne ne l’avait jamais vue. Olga avait pris un peu d’avance et était  maintenant plus bas. Elle commençait à resserrer sa trajectoire et à se rapprocher du Southern Lady.  


Le paysage était magnifique. D’autant que le temps se dégageait peu à peu, et comme toujours par le Nord Ouest. Des coins de ciel bleu commençaient à apparaître. Neptune semblait enfin calmer sa colère. 


Au loin, se profilait la silhouette d’un navire qui faisait route vers l’île de toute la puissance de ses machines.


(À suivre)

 

LMGB


Episode écrit avec le concours de Christian Prost pour la partie parapente (merci mon Christian !)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans MEURTRE A AMSTERDAM

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A
Voila un récit qui prend un drôle de tournure ... Même si ok, on est rassurées, Olga n'est pas cette oie blanche à sangloter dans son sac à viande pour un sandwich dérobé,... Pour autant, Auteur,<br /> peut-on croire raisonnablement qu'elle ait pour seul projet cette petite vie plan-plan aux côtés de Marmaduke coupant du bois dans la forêt ? pourquoi pas bricoler des placards dans la maison, et<br /> une porte pour le garage du pavillon de banlieue ? non vraiment ... pas elle ! pas lui !<br /> Et dire qu'ils volent tous les deux sur Amsterdam !!!<br /> Par hasard ? Auteur, je vous soupçonne... de vouloir nous embrouiller... êtes-vous bien LMGB ? Ou quelque opportun ayant usurpé son identité ?<br /> Bien envie d'alerter la base, moi ... ils nous lisent ?<br /> Un coup du parapentiste alsacien ?<br /> Qui aurait intérêt à séquestrer notre LMGB, à reprendre de façon incongrue le cours de son récit ?<br /> ça cache quelque chose et je dois vous dire, Auteur, qui que vous soyez, nous ne sommes pas rassurées, nous lectrices, et espérons des preuves que notre LMGB est bien encore aux commandes<br /> Olga et Marmaduke, c'est parti pour une vie de voyageurs, d'aéroports en ports, d'un bout à l'autre de la planète, n'est-ce pas ? avec au moins trois passeports dans leur mallette, pas vrai ?
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