Meurtre à Amsterdam - 7

Publié le par Le Bateau Immobile

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[Résumé des épisodes précédents : Un gang de pirates au service de la Triade hongkongaise  a pris le contrôle du très tranquille district d’Amsterdam. Ne reculant devant rien, ils ont déjà exécutés deux marins qu’ils soupçonné de les espionner. Coupés du monde, les hivernants sont retenus prisonniers  sur la base et sur le navire. L’agent russe X25, fille d’un chimiste ayant hiverné sur l’île, dirige les opérations. L’objectif est de faire main basse sur les sphaignes blanches de l’île, dont les propriétés antioxydantes en font un bien de grande valeur dans le but de lancer un produit anti-âge révolutionnaire]

 

Le petit groupe progressait déjà depuis deux heures en direction de l’ouest de l’île et ressentait les premiers effets de la fatigue. Seuls quatre personnes le composaient, Olga, alias X25, deux hommes de main solidement armés et Marmaduke, qui avait non sans soulagement retrouvé la terre ferme. Le sentier n’était plus qu’un lointain souvenir, il fallait désormais progresser au milieu des scirpes et de la houlque, l’épaisse herbe qui changeait le paysage en océan de verdure. La chaleur n’aidait en rien, et les premiers signes de fatigue se faisaient ressentir. Marmaduke menait le groupe, suivi de près par les sbires de l’agent X25 qui ne relâchaient pas leur attention.  


-          Petit bonhomme, où nous emmènes-tu ? Lui dit Olga entre deux souffles. Elle fermait la marche et peinait à suivre

-          Nous allons au pied du Mont Fernand, c’est là que se trouve la sphaigne blanche. C’est la montagne que l’on voit là bas.


Au loin, la forme arrondie de la montagne semblait sortir de nulle part, sphère presque parfaite sortie d’Hadès quelques centaines de milliers d’années auparavant.


-          Il n’y a pas d’endroits plus proches de la base ?

-          Non, c’est le seul que je connaisse


Marmaduke reprit la marche. Après les scirpes sous lesquels se cachaient des cailloux qui ne demandaient qu’à rouler sous les pieds de chacun, le groupe avait rencontré un terrain fait de tourbe et de coulées de lave. La vitesse avait encore baissé à cause du terrain. Suivre les affleurements de roche obligeait le groupe à marcher en zigzag, mais aller en ligne droite impliquait de marcher dans la tourbe et à chaque pas de multiplier les efforts pour extirper ses pieds du sol humide. C’était sans solution. Au bout de trois heures, X25 décida de faire une pause.


-          Nous perdons trop de temps. J’espère que tu ne nous fais pas tourner en rond, tu pourrais le regretter.

-          Ca n’est pas moi qui ai voulu partir de la base en catastrophe, sans même prendre de raquettes. Vous n’êtes pas sur la Perspective Nevski à faire du shopping ici ! Bienvenue à Amsterdam …

-          Ne sois pas insolent, petit bonhomme, Tu faisais moins le fier il y a quelques heures.

-          La roue tourne, à croire … On continue ? A moins que vous ne soyez venus que pour les photos ?


Le groupe n’était équipé que du minimum pour une telle expédition. Un peu d’eau, les restes du rougail saucisses de la cuisine. D’autant que le temps changeait à vue d’œil. Si au nord le grand bleu dominait encore, le vent d’ouest commençait à se lever et à rouler de lourds nuages vers l’île. Sur les sommets, un voile gris empêchait désormais de voir l’Olympe. Même la lourde silhouette du Mont Fernand commençait à s’effacer. La marche se faisait de plus en plus difficile. Le vent apportait un peu de fraicheur du large mais pas assez pour que chacun garde sa lucidité. En sautant au sol du tapis de scirpes, Olga sentit le sol se dérober sous ses pieds et la fine couche de lave s’effondrer dans une salle souterraine. Son hurlement fit se retourner Marmaduke.


-          Olga !


Mais le reste de la voute avait tenu. Olga était enfoncée jusqu’aux genoux et parvenait déjà à s’extraire du piège. On devinait par le trou béant une immense salle souterraine, qui avait du jadis charrié des flots de lave en fusion. Ses jambes portaient cependant les stigmates de la chute, la pierre affutée coupante comme un rasoir avait cisaillé pantalons et chairs. Le sang coulait abondamment.


Les trois hommes se précipitèrent vers la jeune Russe 


-          Nous n’avons rien pour vous soigner en plus, même pas du rhum Charrette, qui selon l’usage peut faire plus de mal que de bien. Vous pourrez continuer ?

-          Bien sûr que je peux continuer, vous me prenez pour qui ? cria Olga dans un sanglot

-          Nous ne sommes plus très loin, quelques minutes tout au plus

-          Vous autres les Français, vous vous laissez toujours aller à trop de sentimentalité. Et poussez vos sales pattes, je peux me relever toute seule !!


Tout autant vexée que blessée, la Russe se redressa d’un bond, avant de défaillir. Les quatre reprirent cependant leur progression, toujours plus lente, dans la végétation toujours plus haute et dense. Les scirpes faisaient désormais plus d’un mètre cinquante de haut. Il fallait soit les contourner et se faufiler dans le réseau des tiges entremêlées, soit tenter de naviguer à la surface de cette océan immobile, en équilibre instable sur ses deux jambes, à genoux, ou comme Olga en essayant de nager ou de ramper.


A l’approche du Mont Fernand, la végétation se fit moins dense, et les scirpes disparurent peu à peu. Un tapis vert, jaune, rouge et blanc s’étendait à perte de vue.


-          Voilà …

-          Il était temps, je ne peux plus marcher. Les plaies de la jeune femme n’étaient pas belles à voir.

-          Nous sommes assez assortis, entre votre sang séché et mes bleus

-          Ne tardons pas, ramassons tout ce que nous pouvons, sphaigne blanche ou verte, jaune ou rouge. On prend tout.

-          Ne tardez pas vous voulez dire. Il n’est pas question que je vous aide. Je préfère mourir au service de la Réserve Naturelle que me rendre complice d’une telle déprédation.


Seuls les deux hommes de main commencèrent à arracher le précieux butin. Marmaduke les regardait faire et Olga s’occupait de ses plaies. Ils s’étaient pour se faire délester de leurs armes, posées à même le sol. La besogne avançait bien, et deux sacs furent bientôt remplis. Repues d’eau, les sphaignes pesaient d’un poids sans doute bien plus lourd que prévu. Les quatre n’échangeaient pas un mot.


La radio déchira le silence :


-          Ici Psychopathos … Vous devez remonter à bord, le baromètre descend plus vite que le niveau de l’économie grecque. Je ne veux pas rester près de la côte, trop de risques. Redescendez vite, ici ça commence déjà à secouer.

-          Psycho, ici X25. Nous ne pouvons pas faire demi-tour. Il faut finir avant. Et nous sommes à quatre heures de la base


Je notais avec un pincement au cœur le surnom donné au capitaine du navire, annonciateur d’une proximité si ce n’est physique du moins intellectuelle. Il n’y avait décidément rien de sacré dans ce monde. A part les nuages, qui comme moi semblaient vouloir montrer leur mauvaise humeur. Une idée commençait à faire son chemin dans mon esprit embrumé.


Les deux complices poursuivaient leur discussion, sous l’œil indifférent des deux sicaires, qui avaient interrompu leur tâche :


-          Remonte Olga, je ne pourrai pas vous récupérer plus tard. Si ça continue, vous serez obligés de vous jeter à l’eau en combinaison de survie. Le Zodiac ne pourra même pas toucher terre. Et la dépression remonte de l’Antarctique, elle va durer plusieurs jours. On ne sait pas ce qui peut se passer entre temps. Vous devez remonter.


En jetant un œil aux sacs chargés de sphaignes, la jeune russe sembla changer d’avis. Fatigue aidant, elle devait sans doute trouver que le jeu n’en valait plus la peine. Et rester sur cette base ne lui disait rien, au milieu de ces Français hostiles.  


-          Tu ne peux pas venir ici ?fut sa réponse au Grec


En contrebas du groupe, à quelques centaines de mètres, la côte nous faisait face. Plus loin, la lourde silhouette du cargo commençait à tanguer. Les hommes du bord avaient déjà remonté l’ancre pour qu’ils fassent front aux vagues. Les vagues commençaient à écumer. La végétation vers la côte était moins dense, rallier les falaises serait simple.


Olga fit quelques pas en direction de la mer.


-          Envoie le Zodiac, nous allons essayer de descendre et de gagner du temps. A une heure d’ici, il y a une main courante, Nous reviendrons après le coup de vent. On va garder notre otage avec nous, au cas où. Les TAAF vont bien finir par s’apercevoir que la base n’émet plus. Appelle les autres, on récupère tout le monde et on file …

Le groupe se mettait déjà en marche. Le vent soufflait fort désormais. Les deux russes ouvraient la marche, sans doute pressés d’en finir avec la plaisanterie. Marmaduke les suivait de près, Olga tentait de les suivre, handicapée par ses blessures. Le Southern Lady continuait à se faire secouer par la mer de plus en plus mauvaise. Le Zodiac était déjà descendu à l’eau avec un homme à bord, un second descendait à son tour le long de flanc du navire.


Du haut des falaises, la vue était superbe, 180° de mer agitée, des trouées de soleil au milieu des nuages, et au loin les premiers grains. La main courante partait, puis disparaissait dans le vide. Les attaches en inox étaient neuves, descendre les 50 mètres ne devait pas poser de problème malgré le plan quasi vertical de la falaise. Le premier russe avait déjà disparu, emportant avec lui un sac. Les heures d’entraînement à Novossibirsk avait du bon. Le zodiac approchait du rivage, risquant de talonner à chaque vague. Il fait signe au second. Le second sac descendit encore plus vite, attaché à un bout.


Le russe resté en haut s’apprêtait à descendre lorsque quelque chose attira son attention. Il se retourna, surpris du silence.


Olga et Marmaduke avait disparu.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans MEURTRE A AMSTERDAM

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A
Un coup de Marmaduke ? la jalousie et l'instinct de survie ? "Rescape" qu'Olga va s'en sortir
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L
"AVAIENT disparu" ça me fait mal de trouver ce genre de fautes ... Désolé ;-((
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