Le Gouvernement de la République 2

Publié le par Le Bateau Immobile

 

 

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(suite du post d'hier, Le Gouvernement de la République 1)

 
Alors cette réponse ? 

 

Pas beaucoup d’avis visiblement !! La réponse était simple, il est vrai : il faut faire au mieux des divers intérêts concernés …  Bonjour la langue de bois ! Et en l’occurrence, introduire un peu de flexibilité dans la règle selon le parcours, les personnes concernées, la météo … En étant sûr que l’on est dans son domaine de compétence ! En l’occurrence, la règle reste sortie à trois, sauf vers des zones a priori pas dangereuses (falaises, zones de venturi, mains courantes ou via ferratta le long des parois, faune, zones trop éloignées etc.). D'un carré faire un rond en quelques sorte !

 

Dans les faits, pouvoi r et autorité peuvent s’avérer deux choses différentes … Parmi nos grandes discussions de fin de repas, revient régulièrement la question « qui est le plus utile sur un District ? » et bien sûr chacun voit midi à sa porte. Je trouve la question bonne, parce que la réponse qu’on y apporte révèle la maturité de la personne. La plupart de mes militaires, qui gèrent tous des domaines techniques précis (garage, avec les grues et tracteurs, centrale pour l’eau et l’électricité, l’Infra pour les bâtiments, les appros et les télécoms/poste) se placent eux-mêmes tout en haut. Seuls quelques uns ont la sagesse  de ne pas répondre. Les chercheurs sont plus critiques vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres, même si la recherche est la raison d’être de tous ici. Sans recherche, pas de districts, pas de garage, de centrale, de cuisine, de chef de district ! Ce dernier est lui aussi indispensable, ne serait ce qu’en raison de sa position d’arbitre et de juge suprême … Mais s’il fait bien son boulot, il doit être invisible ou presque. Donner les orientations, encadrer et laisser les experts agir.


Personnellement, je fais du KISS à tout va (KISS : keep it straight and simple, vous pensiez à quoi ??). Pas d’adjoint, le volume de travail (surtout par rapport à ce que je faisais avant de partir –amis du Chaudron si vous me lisez ! - n’est pas tel qu’un adjoint soit indispensable), on décide en petit comité, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.  Cette année Amsterdam e st présent partout, mes lascars auscultent, démontent, interrogent, relancent, contrôlent, corrigent le cap … et moi pareil ! Les bons progressent, les jambons font du lard. Le noyau dur est en place, j’ai confiance en eux, et eux en moi. Tout y passe, du coup, nous ferons beaucoup plus que prévu. Un est resté sur le quai, un court pour nous rattraper …


La vraie difficulté est la nature profonde de chacun et la gestion des cas individuels. Les gens ne changeront pas, par contre le séjour a rend plus aïgu ses qualités et ses défauts. L’une des grosses difficultés de gestion d’un district sont les disparités entre les individus : disparités de rémunération entre contractuels et militaires par exemple, disparité dans le volume de travail, dans le degré d’autonomie que l’on peut accorder à chacun, voire dans la confiance que l’on peut accorder … Même dans un groupe d’une vingtaine de personnes, il y aura forcément des gens qui sont là pour en faire le minimum et/ou avoir un impact négatif dans le fonctionnement du groupe.  Et il faut bien admettre que l’on ne changera pas les individus. Les cas de ce type se règlent en général en deux questions ? Quel est le rôle de la personne sur la base ? Si c’est indispensable, il faut nettoyer de suite … si le job n’est pas primordial, le groupe peut gérer seul ce problème. La personne peut elle contaminer les autres ? Même chose, réponse évidente.  Tout se paie un jour de toutes façons, et tout le monde ici sait que je ne fais pas de cadeau lors des évaluations.

  
Il est vrai qu’on perd facilement les pédales ici, et les anecdotes ne manquent pas. Telle jeune chercheuse entrant en courant dans le restaurant, nue comme un ver pour protester contre le Chef de District qui ne l’aime pas … Tel autre m’assurant sans vergogne que son problème de langouste est le plus important du monde ; tel autre encore me prenant à partie en public (ça, j’adore !) parce qu’il ne veut pas servir pendant une heure un bateau qui passe (je ne dirai pas son métier !). Je me souviens moi-même m’être un peu énervé (juste un peu, vous me connaissez !) sur un sujet futile.  Il y a quelques missions de cela, un toubib avait déserté la base et vivait dans une grotte…La chose arrive à chaque mission, la vraie question est de savoir comment on va traiter le sujet.


Le piège le plus classique est de vouloir tout voir et tout contrôler, d’avoir une lecture trop stricte des règles, d’intervenir sur tous les sujets … Très mauvais et injouable sur le long terme ! Il faut au contraire faire confiance aux individus pour monter en compétence, accroître leur périmètre, et prendre des initiatives. Certains prendront l’ascenseur, d’autres pas … Mais c’est – pour moi du moins – la seule solution. On le dit souvent, « la réponse est dans la question » il suffit d’ôter les œillères que nous portons tous.  Ma production de directives a ainsi fortement décru depuis trois mois, jusqu’à atteindre zéro les deux derniers mois. On peut tomber dans le ridicule : un jour, ailleurs, un Chef de District a décidé de procéder à des audits sauvages … rangers aux pieds, il pénètre dans le bureau de poste et compte les timbres à 0,01 euro. Chacun sa conception.

 

Même chose sur l’alcool, sujet tabou mais récurrent dans les TAAF. Chacun en venant ici a signé une charte via laquelle il s’engage à ne pas (trop) céder à la tentation, sous peine d’exclusion. Mais face à des pratiques, des habitudes, il faut faire preuve de discernement. En gros pour moi, la ligne de démarcation c’est l’impact sur le job et le comportement social. Si le constat est négatif dans un des deux cas, ce sera retour anticipé à la maison et sans état d’âme me concernant. Si le bonhom me rentre dormir chez lui, ça ira … D’autant que si je surveille trop, il fera quoi mon bonhomme ?  Il ira boire ailleurs c’est tout, de préférence dans un endroit dangereux, en bord de falaise, dans une coulée (lieu classique pour monter un bar clandestin, une mission précédente a ainsi vidé une coulée de 400 bouteilles vides)  … Autant tolérer un peu plus, et encadrer plutôt que rejeter dans l’illégalité totale. L’esprit et la règle, mais sans être dupe, certains ne font que prendre et ne donnent rien.  Le point primordial au final est sans doute de se sentir au clair avec ses prises de décision. La tentation de lâcher est toujours présente, les suggestions en ce sens fréquentes,  mais je ne mange pas de ce pain-là.

Le job de Chef de District  est par nature très frustrant : on ne viendra vous voir que pour des problèmes, pas pour des choses qui fonctionnent. Le plus souvent, il faudra essuyer la mauvaise humeur de quelqu’un, qui vous aura oublié dès qu’il aura eu réponse à sa question. A titre personnel, ma grosse déception ici est de voir que les autres hivernants ne voient que la fonction en moi, pas la personne. Du coup les échanges sont limités à des choses très opérationnelles, sauf en de trop rares occasions.  Il est impossible d’être copain, pas plus qu’être trop distant.

 

Ni trop près, ni trop loin, ni trop devant et encore moins derrière … finalement Platon n’avait pas tort !

 

La prochaine fois, je ferai plus léger, nous irons en ballade, cette semaine je suis libre comme l’air !

 

Bon dimanche à tous, sortez un peu du virtuel, sortez tout court !!

 

LMGB

 

photo : LMGB, Base d'Asmterdam prise lors du dernier vol de souveraineté (ne vous fiez pas aux apparences, vieillissement via logiciel !)

Publié dans GENERAL

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A
...c'est au Chaudron que tu es une personne... A Amsterdam, tu es le Chef.
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