Des jours comme ça ...

Publié le par Le Bateau Immobile

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Le samedi 12 mai restera comme une journée grise, presque un peu noire, vu l’accumulation de petits malheurs que nous avons vécue dan la journée.


On reprend …


Toute la nuit et bien au-delà, bon coup de vent du nord ouest bien établi dans la matinée, 40 à 50 nœuds en rafale, autant dire aucune activité de bord de mer possible. Pas de pêche, pas de casiers (c’est la fin de la saison de toutes les façons), pas de photos des éléphants de mer. Au large, une mer bien démontée. Beau ciel bleu certes mais mer déchainée. En fait, depuis trois jours, nous avons de 30 40 nœuds. C’est comme si un ruban de 4.300 kilomètres de long nous était passé devant.


On continue : 7h30, coupure électrique générale. Le moteur en service de notre centrale vient de casser son alternateur. L’occasion de rappeler que nous sommes autonomes en tout et que par conséquent la solution est forcément locale. Même si les installations sont doublées voire triplées (nous disposons de quatre moteurs), une panne électrique prolongée aurait des conséquences lourdes : pratiquement plus de cuisine, plus d’ordinateurs, plus de télécom. Pour la partie recherche idem, les échantillons ornitho stockés dans les congélateurs seraient bons à jeter, les appareils de mesure hors service. La plupart des installations sont sous onduleur (ça varie assez selon la générosité des laboratoires commanditaires des missions scientifiques) mais les pertes seraient majeures. Dans l’affaire, un pc a toutefois rendu l’âme. Le plan d’urgence prévoit que si le siège des TAAF n’a pas de nouvelles dans la semaine, un navire sera envoyé. Reste à voir lesquels sont affrêtables dans un délai aussi court.


12h30 : riz cantonnais, arme bactériologique de première catégorie, soupçonnée d’avoir causé des ravages dans des estomacs pas habitués, le gaz moutarde à côté, c’est de la rigolade, et si nos troupes avaient eu ça en 14, le sort de la guerre eût été changé (nan, je plaisante, il était très bon !!).


Dans l’après-midi, le ciel devient de plomb, sans pluie, il fait nuit ou presque à 16 heures, la ligne d’horizon se confond avec la mer, il n’y a aucun oiseau qui vole, le vent est retombé. Un calme soudain règne alentour. Dans les films, c’est le calme avant la tempête, le silence avant le fracas, la vague géante, le kraken cannibale, les ptérosaures mangeurs d’hivernants, le réveil du volcan. Mais là, rien … juste un ciel gris.


18h45 : nouvelle coupure générale de l’électricité. La différence est que désormais nous sommes dans le noir absolu, plus une seule lumière sur la base. Nous ne pouvons même pas compter sur la pleine lune pour nous éclairer, masquée qu’elle est par les nuages. Je tiens cependant à rassurer les âmes sensibles ou à calmer les esprits séditieux : contrairement aux grandes pannes électriques (de New York en 1965 par exemple), cette panne là n’aura aucune conséquence sur la natalité. D’une part, nous n’avons pas d’ascenseur, qui, comme vous le savez, se sont transformés en zones d’échanges, et notre personnel féminin est réduit à sa plus simple expression. Assez rapidement, j’ai vu poindre à l’extérieur quelques lucioles, les lampes des plus réactifs qui, comme moi, avaient commencé à faire le tour des installations. Nos marins – en charge de la centrale – sont des bons, ils remettent tout d’aplomb, et par là même nous apprennent des termes, disons « techniques », que la pudeur m’empêche de reproduire ici. Nos moteurs (bien que finlandais) parlent sans doute ce patois-là car depuis, ils se montrent dociles comme des agneaux.

 

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19h45 : tempête à tout casser, pluie, grêle, vent, on se croirait sur la passerelle d’un vieux chalutier en mer entre Ouest Ecosse et Nord Irlande. La pluie tambourine sur les protections en plexi, aux carreaux. Comme souvent dans des cas comme ça, elle tombe des hauts de l’île, poussée par le vent qui a repris, pratiquement à l’horizontale, suit la pente et file en mer. Le vent est tel que marcher pour un adulte musculeux comme moi est parfois difficile (en gros, c’est le moonwalk de M Jackson mais sans les cris, à part quelques expressions empruntées à nos marins qui ont fait école).


20h15 : fuite d’eau dans la cuisine, le chéneau du toit est en train de rendre l’âme, goulotte d’écoulement bouchée par les épines de cyprès, Iguaçu et Niagara réunis sur une longueur de bâtiment presque comparable aux célèbres chutes. Branle-bas de combat, sceaux, scrob, marmites (les grands modèles ont enfin trouvé une utilité).


Les plus superstitieux ont suggéré de sacrifier quelques otaries sur l’autel des dieux de l’île. Moi, je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur, comme chacun sait (encore qu’une otarie de plus ou de moins …). Voir débouler le Queen Mary II ou le Commandant Khlebnikov (un brise glaces russe opérant parfois en Antarctique et jadis annonncé ici sur le ton de la blague) à deux heures n’aurait étonné personne. Nous avions d’ailleurs allumé la rampe, sûrs de notre fait. Mais non, rien …

Des jours comme ça, je pense que nous n’en aurons pas beaucoup … mais c’est dans la difficulté que l’on reconnaît les bons, non ? Aujourd’hui, plus tranquille, journée de la Nature ici, comme partout en France, sortie à la journée, avec sans doute quelques belles macros de fleurs locales à la clé. Le ciel n’est pas terrible, gris perlé (mon lexique pour décrire les gris aura bien progressé ici !), un peu de pluie mais ça passe sans problème.


Bonne journée à tous


LMGB


Photos : océan depuis la Chapelle, pétrel au dessus de la cale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans VIE QUOTIDIENNE

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R
ben, finalement, je suis bien dans ma Drôme !
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B
bon, il faut enlever le "e", gent ira beaucoup mieux... pas de mésaventure cette nuit ?
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