Amsterdam Telecom, bonjour !

Publié le par Le Bateau Immobile

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Les télécoms sont pour un district un des points névralgiques, majeurs dans le fonctionnement d’une mission. Pour le confort des hivernants certes, mais aussi et surtout pour le traitement des urgences et que les services centraux des TAAF s’assurent du bon déroulement d’une année. Le temps où les communications se faisaient par ondes courtes et où les hivernants avaient droit à un télégramme de trente mots par mois et bien révolu. En cas d'absence de communication de notre part dans la semaine, un bateau part de la Réunion.


Aujourd’hui, nous aurions plutôt tendance à nous y perdre dans le foisonnement de moyens mis à disposition. Les canaux sont doublés pour éviter toute coupure. Il est vrai que les liaisons ne sont pas toujours très stables, et les coupures Internet régulières.  


Nous avons du téléphone fixe bien sûr, en numérotation à dix chiffres ou abrégée pour l’interne, comme dans n’importe quel entreprise. Nous pouvons revendiquer l’un des réseaux les plus étendus du monde puisqu’au lieu d’appeler l’étage en dessous, nous passons un coup de fil à 2.600 km de là. Les autres districts en bénéficient aussi, c’est comme cela que je peux appeler la Terre Adélie. C’est la VSAT (Very Small Aperture Terminal, on en apprend tous les jours !) qui nous permet de joindre ainsi les différents points. La VSAT est une alternative à l’Inmarsat (avec des conditions tarifaires différentes aussi !), reposant sur des satellites, relayant les signaux envoyés depuis le sol via une gamelle (une antenne parabolique si vous préférez) et un mât. La grosse motivation du VSAT est le coût, limité pour des petits sites comme le nôtre. La contrepartie en est le temps d’acheminement, assez long, et les conversations parfois difficiles entre interlocuteurs. Le full duplex immédiat est un luxe impensable avec cette techno !


En local, du sans fil sur la base, grâce à quelques relais habilement positionnés (dont un sur le toit de la chapelle, parfait pour que Saint Pierre nous parle en direct), nous pouvons dorénavant être joints un peu partout sur la base, sans fil à la patte mais plutôt dans la poche. Je me souviens d’ailleurs de l’étonnement d’un des mes interlocuteurs quand il m’a joint sur mon fixe et que je lui ai dit être à la cale, cinq cent mètres plus bas …. « mais, heu, comment vous faites ? » avec un cordon plus long bien sûr !

 

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l’Inmarsat donc (International Maritime Satellite Organization). Inmarsat est une ancienne organisation internationale privatisée en 1999. La société exploite une dizaine de satellites en orbite géostationnaire et couvrant surtout l’hémisphère sud. Au delà des diverses couches disponibles (nous sommes ici en Inmarsat 3), il faut retenir que le réseau nous fournit les prestations habituelles, voix et fax en particulier. Ces satellites sont en orbite haute (36.000 kilomètres). C’est le réseau de secours.


Avec l’Iridium, nous passons à l’étage supérieur. Nous ne sommes plus comme avec l’Inmarsat sur du ping et du pong, mais sur de la transmission de satellite à satellite, et c’est pour ça que tout ceci nous passe le plus souvent par-dessus la tête.  Comme sur les voiliers faisant le Vendée Globe « allo Titouan Lamazou, allo Yves Parlier, salut c’est Gros Bec, vous passez boire quelque chose à la cale ? ». Iridium mériterait un post à elle toute seule. En gros, quand plus rien ne passe, au fin fond de la jungle de Bornéo, en Patagonie ou dans l’océan austral, il reste Iridium. Projet un peu fou 100 % technophile, la société (filiale de Motorola, qui y voyait un complément idéal aux carences du GSM) est en perpétuelle recherche de fonds. Le projet de couvrir le globe de 77 satellites (77, comme le numéro atomique de l’iridium, le métal) a entraîné la vente, la recapitalisation de la société. Il est vrai aussi que Motorola n'a pas connu que des hauts au cours des diz dernières années. Elle est aujourd’hui essentiellement utilisée pour des besoins militaires avant tout américains. Autant dire, qu’avant que d’autres pays y mettent un kopek, beaucoup d’eau aura coulé sur les ponts de la Neva … La techno est loin d’être stable pour autant, avec les habituels problèmes de distorsion lors de l’encodage et du décodage et de temps de transmission (vous pouvez préparer l’aspirine !). Mais la techno reste une bonne alternative lorsque la VHF s’avère muette, en direction de Saint Paul par exemple (pas Saint Paul Minnesota, Saint Paul des TAAF).


 

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La VHF (Very High Fréquency) enfin, là encore pour le local étendu, à une portée d’horizon selon la tradition. Ca tombe bien Saint Paul (toujours pas Minnesota !) est visible depuis les hauts de l’île (enfin, le plus souvent).  Les signaux sont répercutés par des antennes en hauteur (ou en altitude, mais à 850 mètres le point culminant, la notion d’altitude est relative !), deux en l’occurrence.  Canal 12 en standard dans le nord de l’île, canal 26 dans le sud ouest et vers Saint Paul, avec dans les deux cas quelques zones d’ombre, le sud est de l’île, où de toutes les façons nous allons peu souvent. Les terminaux répondent au doux surnom de zezette, ce qui nous vaut les habituels "ma zezette est à plat" ou encore "j'ai oublié ma zezette quelque part, mais je ne sais plus où". Amis poètes, Chateaubriand, Lamartine, de Nerval, Gros Bec, la lignée est toute tracée ...


Radio, téléphone sans fil, bip (pour les alertes incendies par exemple), il n’est pas rare de nous croiser déguiser en arbre de Noel, particulièrement lors des passages de navires. Parfois, les poches de jeans viennent à manquer !


 Sinon, il vous reste aussi un bonne vieille lettre, remise à la Poste ou dans une bouteille à la mer (et vu l’efficacité de la Poste de Métropole ou de la Réunion, qui ont renvoyé ou juste perdu des paquets destinés à plusieurs hivernants, on se dit que la bouteille a une efficacité guère moindre), et qui arrive – donc dans le meilleur des cas – à chaque passage du Marion-Dufresne ici, au bout de trois semaines de mer. Recevoir une lettre dans ces conditions provoque toujours un petit pincement au cœur, car on se dit que l’expéditeur a pris du temps pour vous écrire, choisi ses mots, peut-être changé d’avis en cours d’écriture. Une lettre est à Internet ce que la gastronomie est au fast-food, la même fonction mais avec un surplus d’émotion.

 

LMGB

 

Photos : Saint Paul, à 85 km d’ici, plein sud ; relais du Mont Fernand, indispensable pour couvrir le sud de l’île, bulle VSAT et antenne VHF de la base. Une pensée pour mes camarades de combat De la Cruz, Lézard et John Young Page, dont les explications jadis sur Varèse et le full duplex n'ont pas servi à rien ! STC rules the world ...

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans VIE QUOTIDIENNE

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